De la guerre en Europe ou Tintin dans le Donbass,


La semaine dernière, qui a vu l'explosion de trois gazoducs sur les quatre formant les North Stream 1 & 2 et l'avalisation par le Kremlin du référendum d'autodétermination dans quatre oblasts de l'Ukraine russophone, sera sans doute une des semaines les plus marquantes de l'année 2022.

La question sur toutes les lèvres : Qui a fait sauter le pipe et dans quel but ? En effet, celui-ci n'avait pas, en tout cas pas de manière officielle, vocation à retrouver ou trouver un fonctionnement normal dans un futur proche.

S'agissait-il de faire taire le slogan favori des manifestations commençant à apparaître, notamment en Allemagne ("Open NS2 !"), et mettant en lumière de ce fait, la duplicité des décideurs européens et la révélation, du moins pour les yeux du public européen, que leurs décideurs sont plus des administrateurs au service de la puissance coloniale américaine que des élus chargés de servir les intérêts des populations européennes.

Le moyen peut toutefois paraître disproportionné dans la mesure où les décideurs européens peuvent toujours compter sur les relais médiatiques classiques pour collaborer totalement et décider d'ignorer totalement un sujet (manifestation d'agriculteurs aux Pays-Bas, meurtre de journaliste palestinienne...) ou de le couvrir de manière à créer un narratif intéressé (couveuses koweïtiennes ou génération spontanée de dictateurs sanguinaires orientaux...).

De plus, la menace étant plus forte que l'exécution, NS2 semblait pouvoir être inclus dans une négociation future visant à trouver un modus vivendi entre intérêts états-uniens, européens et russes en Europe. Par cette action irréversible (à l'image de l'assassinat de Qassem Suleimani quelques années plus tôt), le camp occidental (ou en tout cas la faction néo-conservatrice de ce camp) semble à la fois vouloir monter les enchères et, à l'image de Cortès brûlant ses propres navires, indiquer aux vassaux européens qu'il n'y plus qu'un seul chemin, celui de Moscou, non pas pour y négocier mais pour y préparer la curée.

 Bien sûr, l'hypothèse de Poutine faisant sauter son propre investissement étatique et pariant sur les médias occidentaux pour accuser les États-Unis, ne peut que laisser pantois et ne semble qu'être une hypothèse type "billard à 15 bandes" servant uniquement à occuper le peu de temps de cerveau disponible en ajoutant de la confusion au mystère, façon Churchill.

Quelle sera la réponse du Maître du Kremlin ? Quel appui pourra fournir le troisième larron chinois qui peut observer le sort qui l'attend si les désirs de l'Empire se font réalité ? Les agents spéciaux Vladimir et Xi cogitent. La mission impossible qui leur a été confiée : Accompagner l'Oncle Sam au cimetière des empires sans faire tomber du plutonium sur le chemin. Autrement dit, devoir avaler nombre couleuvres et claques à venir (dernièrement visite à Taïwan de Pelosi pour Xi , armement de l'Ukraine et sabotage pour Poutine) sans trop broncher, en gardant à l'esprit que leurs actions doivent favoriser les têtes froides plutôt que les va-t-en-guerre du camp atlantiste, mais ne doivent pas être des invitations à doubler voire tripler la mise (attaque du TurkStream, reconnaissance de l'indépendance taïwanaise...).

Aux dernières nouvelles, l'armée russe recule à Lyman et dans la région de Kherson. Victoire pyrrhique ukrainienne ou véritable victoire de l'état-major otanesque aux commandes ? On parle de remaniement possible au sein de certains commandants russes. Ajustement nécessaire ou prémices de scission au sein du camp moscovite ? Le discours du président russe semblait être un dernier avertissement avant l'hécatombe, notamment auprès des exécutants de Kiev. Chien qui aboie ne mord pas ?

L'affrontement américano-russe est aussi celui de l'ours face à la pieuvre aux milliers de tentacules (Taïwan, Israël, UE, pays du golfe...). Le projet ? Vaincre l'ours par mille petites morsures (Ukraine, Moldavie, pays baltes, Kazakhstan, Karabagh, Syrie...). Quelle parade pour le quadrupède ? Écraser la mouche ukrainienne et couper la tentacule kiévienne en espérant que ceci calme l'ardeur des autres bras armés américains ?

Ou alors frapper au cœur, ou plutôt au cerveau ? L'imagination laisse rêveur : un gazoduc britannique, un câble sous-marin us, une plateforme LNG américaine ? ou plus fort avec un navire de l'US Navy ? L'objectif russo-chinois évoqué plus haut semblerait alors être oublié. Pourtant, les dirigeants du bloc eurasiatique ne peuvent pas ignorer que les USA ont avalé leur chapeau suite à l'attaque d'Ain al assad en Irak par des missiles iraniens. De même, les talibans n'ont pas négocié autre chose qu'un départ des soldats US du pays sans demander leur reste.

L'année semble loin d'être terminée. Suite au prochain épisode.


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